Emilie Dufournet, In: Duffaut is Absent, 2018


            Des formes simples, immédiatement compréhensibles. Des formes sur lesquelles on n'a pas l'habitude de s'attarder, auxquelles on est tellement habitués que notre regard glisse dessus sans même les voir. Et si on y prêtait à nouveau attention ? Si on décidait de voir comme pour la première fois ces formes, ces objets qui nous entourent constamment ? Et si on se laissait surprendre à y dénicher une certaine poésie, une sérénité inattendue ?
            A mi-chemin entre fascination et défiance, Xavier Duffaut détourne les médias de masse –réseaux sociaux, objets imprimés publicitaires – et se les approprie d'une façon qui lui est personnelle : souvent intime, drôle, parfois profonde. Partager ces détournements fait partie intégrante du travail, que ce soit par la mise en réseau sur Facebook ou par la distribution dans divers lieux de ses monochromes noirs sous forme de flyers.
            Dans les deux cas, on pourrait presque dire que le travail devient collectif tant la réaction de l'autre (par commentaire écrit ou en face à face) est importante. Xavier Duffaut cherche à entrer en contact avec les autres, à les rencontrer, sans aucune distinction. Toute interaction semble l'intéresser. L'incompréhension ne lui fait pas peur, au contraire, il l'explore.
            Pour trouver ce contact, il cherche à intriguer, à attirer l'attention sur quelque chose qu'on prend habituellement pour acquis, afin de faire se questionner sur quelque chose qu'on n'avait jamais remis en question – par exemple, les formes imprimées publicitaires et la façon dont elles nous sont imposées. Lorsqu'il diffuse des flyers noirs dans les rues commerçantes, Xavier Duffaut se réapproprie les techniques commerciales publicitaires en les vidant de leur utilité première. Il amène donc les passants à s'interroger et espère provoquer leurs questions et un échange. De plus, la distribution de ces flyers dans une rue commerçante lui permet d'atteindre un public bien différent de celui qui est présent dans les institutions muséales, et donc d'avoir des réponses inattendues à son travail, qui changeront aussi sa propre façon de le voir. Il a un véritable intérêt pour ce que le public peut en penser.
            Son appropriation des possibilités offertes par Facebook est également très intéressante. Il y communique d'une manière qui lui est propre, en jouant beaucoup du côté cheap ou populaire de ce moyen d'expression, ainsi que de ses nombreux codes tacites de style d'écriture ou d'utilisation des images (photos, emojis, fonds créés par Facebook).
            Il use d'un second degré pince sans rire, touchant parfois à l'absurde, mais sans se départir d'une poésie de la banalité. Il n'hésite pas à s'approprier des noms d'artistes célèbres par exemple, à nouveau dans une volonté de ne pas faire de distinction entre un art pauvre et un art riche, entre ceux qui se revendiquent artistes et ceux qui ne le font pas.
            Xavier Duffaut est sincère. Il montre sa fragilité, soit par courage, soit parce qu'il ne sait pas faire autrement. Il en joue, aussi. Il se donne à voir et à écouter à qui veut bien prêter attention, s'expose avec une honnêteté presque insolente. Mais ce regard sur lui-même n'est pas fermé ou narcissique, au contraire, c'est une ouverture sur l'extérieur. S'il se dévoile ainsi, c'est pour toucher l'autre et entrer dans un échange. Il essaie de comprendre le monde autour de lui et de l'appréhender par tous les moyens qu'il trouve, et c'est en cela que le rapport à l'autre est si important dans son travail.