Jean Pierre Müller, Duffaut (et usage du faux), Mai 2021



            Xavier Duffaut est joueur, et c'est de nous qu'il se joue. Il se joue de tous les codes (surtout les codes-barres), il secoue tous les modes (d'emplois, surtout précaires), et nous entraîne dans un jeu de la vérité où l'on gagne en poésie ce que l'on perd en certitudes.
            Xavier porte le X de notre croix, celle qui barre nos perceptions. Xavier s’ouvre en X tel un toréador porno. Xavier s’inaugure en X d’une signature analphabète. Dès l’entame, donc, Xavier sème le trouble et affole les signes. On pense ici à ses emblèmes publicitaires privés de signes (logos, slogans), à ses flyers aveugles, ou au cas du K kidnappé à Kanal.
            Duffaut incarne le devoir du mensonge. Il faut du faux. Duffaut est là nous en offrir, du vraiment faux et, bien entendu, vice-versa. Quand c'est si faux, ça sonne forcément juste. Juste comme il faut… Duffaut est notre pirate de l'ère, qui nous détourne de nos tourments en détournant les signes contemporains, en retournant les codes de nos déroutes, et en contournant les obstacles du néant. Ses faux livreurs Délivrénoo nous livrent sur un plateau la vérité que ses colis tristes déballent : celle d’une brutale mascarade planétaire, dont nous sommes les participants actifs, concernés, consternés, mais néanmoins consentants.
            Xavier Duffaut taquine la grande faucheuse. Il lui dérobe sa faux pour moissonner nos peurs et nos désirs. Xavier Duffaut s’y met en porte-à-faux, le temps de signaler sa disparition et de s’ériger ses propres monuments. Il se gausse de la postérité, et ce rire se doit de sonner faux. Il y a encore tant à fausser avant de s’effacer. .. Oui, Xavier Duffaut triche, trompe et ment. Il est assurément faussaire. Mais, avec un pareil patronyme, avait-il seulement le choix ? De certains signes on ne peut se jouer…